1 - Le texte.
2 - Parabole ou pas ?
3 - Une parabole.
4 - Les prémices de la parabole.
5 - Le début du texte.
a) Luc 16.19.
b) Luc 16.20-21.
c) Le nom du pauvre.
d) Le deuxième renvoi.
e) Cette introduction.
6 - La mort des protagonistes.
a) La mort en elle-même.
b) Le sein d'Abraham.
c) Abraham.
7 - La discussion entre Abraham et le riche.
a) La compréhension de la séparation.
b) La laideur du coeur.
8 - Conclusion.
Versets en rab
1 - Le texte.
Ce passage se déroule uniquement dans l'évangile selon Luc, la partie principale est la suivante, mais nous devrons également parler de ce qui se trouve juste avant puisque ce passage en est la conséquence directe :
- Luc 16.19-31 : Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie. 16.20 Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d'ulcères, 16.21 et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche; et même les chiens venaient encore lécher ses ulcères. 16.22 Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d'Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. 16.23 Dans le séjour des morts, il leva les yeux; et, tandis qu'il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein. 16.24 Il s'écria: Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau et me rafraîchisse la langue; car je souffre cruellement dans cette flamme. 16.25 Abraham répondit: Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres. 16.26 D'ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d'ici vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire. 16.27 Le riche dit: Je te prie donc, père Abraham, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père; car j'ai cinq frères. 16.28 C'est pour qu'il leur atteste ces choses, afin qu'ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. 16.29 Abraham répondit: Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent. 16.30 Et il dit: Non, père Abraham, mais si quelqu'un des morts va vers eux, ils se repentiront. 16.31 Et Abraham lui dit: S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu'un des morts ressusciterait.
2 - Parabole ou pas ?
Amusante question qui n'est clairement pas sans intérêt. On va y répondre de suite, d'autant que cela peut se faire assez rapidement.
Si ça n'est pas une parabole mais que c'est une histoire vraie, un immense problème survient immédiatement. Les seules choses qui nous sont dites concernant le pauvre font cas de sa situation financière et du délabrement de sa santé. Cela suffit pour qu'il finisse dans le sein d'Abraham, lieu qui, selon la pensée juive de l'époque, était le lieu de repos des justes. On pourrait essayer d'en déduire qu'il l'était effectivement, mais en se basant sur le texte, rien ne le laisse supposer.
En outre, ce lieu qui est appelé 'le sein d'Abraham', est également le lieu où devrait se trouver le prophète Samuel qui pourtant était en dessous de la terre* (je reparlerai de ça plus tard). Or nous savons que Abraham est sauvé, ainsi que tous les prophètes (fait dont je reparlerai également plus tard). Donc si cette histoire est vraie, nous avons des personnes sauvées (Abraham et Lazare), qui peuvent communiquer avec des personnes perdues (avec le riche de l'histoire), tout en se trouvant sous terre comme l'atteste le passage du premier livre de Samuel. La communication allant non seulement dans les deux sens, mais allant également des vivants vers les morts comme le montre l'histoire de Samuel.
Le fait que cette histoire puisse être vraie est donc non pas improbable, mais impossible.
Donc oui, c'est une parabole.
(* 1 Samuel 28.11-12 : La femme dit : Qui veux-tu que je te fasse monter ? Et il répondit: Fais moi monter Samuel. 28.12 Lorsque la femme vit Samuel, elle poussa un grand cri, et elle dit à Saül : Pourquoi m'as-tu trompée? Tu es Saül !)
3 - Une parabole.
Une parabole n'est pas une réalité, c'est une histoire qui dépeint une réalité, ce qui n'est pas du tout la même chose. Si Jésus parle d'une histoire vraie, alors il se doit, parce qu'il ne ment jamais, de transmettre l'histoire telle quelle, et non une version modifiée. Il ne pourrait donc pas changer les lieux, les noms et tout autre détail pour correspondre à ce qu'il veut dire, parce que dans ce cas, l'histoire ne serait plus vraie, mais uniquement inspirée de faits réels. Par exemple, lorsque Jésus nous parle des dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé (Luc 13.4a : Ou bien, ces dix-huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu'elle a tuées ...), il n'a pas la latitude de changer l'endroit (Siloé), la cause de la mort (la chute de la tour), ou le nombre de morts (dix-huit personnes), parce qu'il parle d'un fait réel. Par contre, il n'a aucune limitation lorsqu'il construit une histoire et peut en définir chaque détail pour qu'il pointe vers une information importante concernant le message qu'il fait passer.
Cela nous amène à comprendre que les scènes dépeintes dans les différentes paraboles qui jalonnent les évangiles ne doivent jamais être prises de manières charnelles, mais de manières spirituelles. Le but est donc de comprendre la signification de chaque élément, parce que chacun se trouve présent pour une raison qui est d'éclairer une signification spirituelle. Ce principe est bien plus facile à appréhender dans certaines paraboles que dans d'autres. La parabole des 10 vierges étant un parfait exemple de ce que l'histoire, pour être comprise, ne doit pas être prise littéralement. Malheureusement, lorsque l'on en vient à regarder la parabole mettant en avant le sein d'Abraham, le flou du sens que porte cette dernière tend à rediriger sa compréhension vers une compréhension plus littérale. Pourtant, cette parabole parle des vivants et non des morts.
Quoi qu'il en soit, il faut donc s'attacher au fond et non à la forme, tout en ne négligeant pas le fait que la forme est volontairement choisie par Dieu pour donner une aide à la compréhension du fond.
4 - Les prémices de la parabole.
Il y a une raison à cette parabole. Elle est la suite d'une conversation qui bat son plein. La base même de son apparition tient dans les 5 versets qui la précèdent, et qui sont les suivants :
- Luc 16.14-18 : Les pharisiens, qui étaient avares, écoutaient aussi tout cela, et ils se moquaient de lui. 16.15 Jésus leur dit: Vous, vous cherchez à paraître justes devant les hommes, mais Dieu connaît vos cœurs; car ce qui est élevé parmi les hommes est une abomination devant Dieu. 16.16 La loi et les prophètes ont subsisté jusqu'à Jean; depuis lors, le royaume de Dieu est annoncé, et chacun use de violence pour y entrer. 16.17 Il est plus facile que le ciel et la terre passent, qu'il ne l'est qu'un seul trait de lettre de la loi vienne à tomber. 16.18 Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère, et quiconque épouse une femme répudiée par son mari commet un adultère.
Ces cinq versets se divisent en trois parties, mais se lisent d'affilée.
Dans les deux premiers versets, nous apprenons donc que les pharisiens sont avares. La présence de la virgule nous indiquant que tous les pharisiens l'étaient, et pas seulement ceux à qui Jésus s'adresse. Il poursuit en affirmant qu'ils font ce qu'ils peuvent pour paraître juste, mais qu'ils ne le sont pas et que leur coeur est mauvais. Cette affirmation sera une des conclusions de la parabole.
Les deux versets suivant font la liaison entre l'histoire de l'humanité avant et après Jean le Baptiste. Dans l'intervalle, Jésus précisant que la loi perdurera jusqu'à la fin du ciel et de la terre.
Le dernier verset, de son côté, semble ne rien avoir à faire ici, pourtant, il est la suite logique entre les quatre premiers et la parabole qui va suivre. Ce qu'il faut comprendre pour le remettre dans le contexte, c'est que Jésus ne fait pas de différence entre la loi concernant un homme ou une femme. Ce dont il parle ici, c'est le rejet de l'Israël des pharisiens concernant Dieu. Il parle donc de l'union existante entre Dieu et Israël, qui a été rompue par l'infidélité d'Israël qui s'est unie à des croyances qui sont opposées à celles mises en avant par la loi et les prophètes.
Donc, lorsque l'on regarde ce passage en prenant tout cela en compte, on réalise effectivement qu'il parle d'une seule chose. Le contexte est donc celui de la mise en lumière de la perversion des pharisiens, qui ont rejeté Dieu pour des croyances qui élèvent les apparences sur la réalité spirituelle.
Dans ce contexte commence alors la parabole du sein d'Abraham. En s'attachant à ce que je viens de dire, nous allons regarder le début de cette parabole. Certains éléments étant fondamentaux pour comprendre l'ensemble du message s'y trouvant.
5 - Le début du texte.
- Luc 16.19-21 : Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie. 16.20 Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d'ulcères, 16.21 et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; Et même les chiens venaient encore lécher ses ulcères.
Ce court passage contient énormément d'informations, et il est important de prendre en compte que chaque détail est là pour signifier quelque chose. On va séparer les versets avant de les regrouper à nouveau.
a) Luc 16.19 : Il y avait un homme riche, qui était vêtu de pourpre et de fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie.
Nous avons donc un riche, au sujet duquel on nous donne trois types d'informations. La première concernant son apparence, la seconde concernant ses activités et la dernière concernant son identité. L'absence d'information étant une information.
Pour ses activités les choses sont simples et directes ; Il vivait dans l'opulence.
Concernant son identité, le fait qu'on ne nous donne pas son nom est une indication. Il représente un groupe et non une personne particulière. Le groupe en question étant justement les pharisiens à qui Jésus s'adresse.
Enfin, concernant son apparence, les choses sont très intéressantes. On nous précise qu'il : était vêtu de pourpre et de fin lin. Or le pourpre est la couleur de la royauté, et le fin lin représente la sacrificature. Cet homme dont la richesse est précisée, est également montré se revendiquant non pas d'une tribu particulière ni d'Israël en général, mais de l'ordre divin. Il descend de ce que Dieu a établi, la royauté et la sacrificature. Cela amènera à une compréhension particulière de ce que signifie l'opulence dans laquelle il vit, mais nous reviendrons là-dessus dans la suite.
b) Luc 16.20-21 : Un pauvre, nommé Lazare, était couché à sa porte, couvert d'ulcères 16.21 et désireux de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; Et même les chiens venaient encore lécher ses ulcères.
Le deuxième protagoniste fait l'objet de la même attention dans la narration. On parle de trois choses le concernant, son identité, ce qu'il porte sur lui, et comment il vit. Bien évidemment, le tableau est différent.
Il s'appelle Lazare, nom sur lequel il va falloir revenir ; au lieu de vêtement de pourpre et de fin lin, il est couvert d'ulcères ; Quant à ses activités, il cherche à survivre en mangeant les miettes qui tombent de la table du premier protagoniste.
c) Le nom du pauvre.
Comme je le disais, la particularité des paraboles est que chaque détail s'y trouve pour une raison.
Dans celle-ci, le nom de Lazare résonne comme une particularité. En premier lieu, les paraboles ne contiennent généralement pas de nom propre, c'est la seule fois que cela est arrivé, ensuite, si le personnage du pauvre s'était appelé Simon, la multitude des personnes portant ce nom aurait rendu la compréhension du message que cela portait toute différente. Ici, Jésus choisit d'appeler son protagoniste Lazare. Or dans toutes la Parole de Dieu, il n'y a que deux personnes portant ce prénom. L'autre étant évidemment un ami de Jésus. Si vous connaissez l'histoire de la résurrection de Lazare, vous savez qu'il est issu d'une famille riche, alors que celui de la parabole est pauvre. Pourtant Jésus pointe bien du doigt son ami, non pas pour indiquer quelque chose sur lui, mais pour faire un parallèle permettant la compréhension de la parabole qu'il est en train de transmettre. Or, le sens de ce qui arrive à Lazare se trouve justement être l'annonce de la résurrection de Jésus. Jésus a attendu que son ami Lazare meurt avant d'intervenir, parce que c'était non pas à travers la guérison de sa maladie, dont on ne sait rien, mais au travers de sa résurrection qu'il devait glorifier Dieu.
Le choix de donner au personnage de sa parabole le nom de son ami Lazare a donc pour but de pointer la résurrection du doigt, ce qui portera l'explication de toute la parabole.
Pour ajouter à cela, l'ami de Jésus était financièrement riche, mais le Lazare de la parabole est pauvre, et nous savons de par le passage qui précède et déclenche la parabole que le problème tient partiellement à l'importance des apparences pour les pharisiens. La richesse apparente des pharisiens devenant dès lors le symbole de leur pauvreté spirituelle et la pauvreté apparente de Lazare devenant le symbole de sa richesse spirituelle, qui est attestée par le fait qu'il soit envoyé dans le sein d'Abraham.
d) Le deuxième renvoi.
Faisant suite à l'utilisation du nom de Lazare par Jésus, il place également un autre détail qui a pour but de préparer l'explication de la parabole.
Le lien se fait assez facilement avec une fois de plus une histoire qui se déroule dans les évangiles, lorsque Jésus croise le chemin de la Syro-Phénicienne. L'évangile selon Marc nous dit précisément :
- Marc 7.27-28 : Laisse d'abord les enfants se rassasier ; car il n'est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. 7.28 Oui, Seigneur, lui répondit-elle, mais les petits chiens, sous la table, mangent les miettes des enfants.
Nous retrouvons donc la table, les miettes qui en tombent, et les chiens. Rappelons-nous que Jésus aurait pu choisir n'importe laquelle des situations décrivant la pauvreté, mais il en choisit une qui renvoie directement à la situation de la Syro-Phénicienne. Comprendre ce passage est donc également important, tout comme comprendre la résurrection de Lazare l'était. Dans le cas de cette femme, le sens de la rencontre sera d'annoncer la possibilité de salut à venir pour les nations.
e) Cette introduction.
Cette courte introduction de la parabole passe souvent inaperçue. La tendance générale est de penser que ce ne sont que des détails destinés à placer un contexte ; de la même manière qu'on pourrait préciser qu'une histoire se passerait à la tombée de la nuit, ou sous la pluie. Mais lorsque Jésus parle, il n'y a pas de place à l'approximation, et tout a un sens. Ici, bien que l'on résume souvent ces premiers versets à : "un pauvre qui vit mal et un riche qui vit bien", la réalité est toute autre. Jésus place donc en préambule deux informations très importantes qui, lorsqu'on les assemble, nous dépeignent une histoire parlant de résurrection et d'ouverture du salut au non-juifs.
En regardant de cette manière, la dimension de cette parabole change du tout au tout, et la suite va confirmer cette direction.
6 - La mort des protagonistes.
a) La mort en elle-même.
Une fois la scène posée, on en vient à un évènement commun qui toutefois ne se développe pas de la même manière.
- Luc 16.22-23 : Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d'Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. 16.23Dans le séjour des morts, il leva les yeux ; Et, tandis qu'il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein.
Les deux meurent, et si leurs sorts étaient différents de leur vivant, il en va de même dans la mort. Le pauvre est porté par les anges dans le sein d'Abraham, par contre, de son côté, le riche est simplement enseveli et se retrouve dans le séjour des morts. Ce qui démontre ce que je disais concernant le fait que leur situation financière reflétait l'inverse de leur probité spirituelle.
b) Le sein d'Abraham.
La compréhension de ce que désigne cette expression est un important sujet de questionnement. Il existe plusieurs thèmes dans les évangiles où nous devons impérativement prendre en compte les interlocuteurs de Jésus, et parfois même l'époque de la discussion. Par exemple, comprendre correctement les noces de l'agneau ne se fait qu'en connaissant les pratiques concernant le mariage à l'époque de Jésus. Sans cette connaissance, une importante partie de la compréhension devient opaque.
Dans le cas qui nous concerne, c'est donc le sein d'Abraham qui pose question.
Il se trouve que l'ancienne alliance a toujours fait une distinction entre les justes et les injustes, entre celui qui pêche et celui qui ne pêche pas. Dans la pensée juive d'alors, la retranscription de ce principe s'est faite par la représentation de deux endroits différents une fois que l'on mourrait. Le séjour des morts pour les injustes et le sein d'Abraham pour les justes. Ici, Jésus parlant justement à des pharisiens, utilise un langage qu'ils peuvent comprendre.
c) Abraham.
Il y a donc une différence entre le séjour des morts et le sein d'Abraham dans le discours de Jésus. Cette différence n'est cependant pas suffisamment notoire pour que l'on puisse la définir clairement. Lorsqu'on en vient à essayer de comprendre le salut, il y a de nombreux mystères qui font surfaces. Par exemple, on sait que le seul moyen d'être sauvé est de passer par Jésus, ce que Pierre montrera clairement en déclarant que : Jésus est la pierre rejetée par vous qui bâtissez, et qui est devenue la principale de l'angle. Il n'y a de salut en aucun autre ; car il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés (Actes 4.11-12). Pourtant, cette affirmation de Pierre, est retranscrite par Luc qui nous dira dans l'évangile qu'il rédigera : C'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes, dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors (Luc 13.28).
Ce qui signifie que, bien qu'il ne nous appartienne pas de savoir qui est sauvé et qui ne l'est pas, nous avons à minima la certitude que : Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes le sont. Pourtant, ils sont tous issus de l'ancienne alliance au moment de la vie de Jésus. Ce qui nous amène à comprendre une chose importante qui atténue encore la frontière entre l'ancienne et la nouvelle alliance : le salut était possible dans l'ancienne alliance. Nous avons trop souvent l'habitude de considérer que personne ne pouvant être sauvé par la loi puisqu'un sacrifice particulier devait être fait une fois l'an, cela signifierait nécessairement que toutes les personnes de l'ancienne alliance étaient condamnées jusqu'à ce que Jésus aille prêcher aux morts après sa crucifixion. Ca n'est pas le cas, et le problème essentiel est l'amalgame qui est fait entre l'ancienne alliance et la loi de Moïse.
La première épître de Pierre nous explique que les prophètes avaient déjà une révélation de Jésus, et si on peut facilement passer sur la signification du passage nous l'expliquant durant une lecture, en le pointant du doigt, la chose paraît bien plus claire :
- 1 Pierre 1.10-11 : Les prophètes, qui ont prophétisé touchant la grâce qui vous était réservée, ont fait de ce salut l'objet de leurs recherches et de leurs investigations, 1.11 voulant sonder l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit de Christ qui était en eux, et qui attestait d'avance les souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies.
Rien ne nous permet de connaître le niveau de compréhension qu'ils avaient, mais ce passage nous dit clairement que les prophètes avaient le Saint-Esprit EN eux et qu'il attestait de la souffrance de Jésus par avance.
(NOTA : Apocalypse 19.10b : ... Car le témoignage de Jésus est l'esprit de la prophétie).
C'est là que nous nous heurtons à une chose dont je parlais auparavant. Les paraboles ne doivent pas être confondues avec la réalité. Or le passage du livre des actes des apôtres et celui de l'évangile selon Luc dépeignent une réalité, alors que la parabole du sein d'Abraham ne fait que porter une signification qui est réelle mais ne décrit pas quelque chose qui l'est. Dans le cas contraire, nous aurions Lazare qui serait sauvé uniquement parce qu'il était pauvre. Nous savons qu'Abraham est sauvé par la déclaration de Jésus dans l'évangile de Luc et par voie de conséquence, Lazare étant dans son sein le serait également. Cela n'a pas de sens. Il faut donc regarder les choses avec un peu plus de recul et se rappeler que chaque élément a une signification en soi.
Pour les interlocuteurs de Jésus, Abraham est considéré comme leur père. Ils se réfèrent à lui de la sorte et le considèrent comme l'origine de l'alliance qu'ils ont avec l'Eternel. C'est donc ce sens que revêt sa présence dans la parabole. Il n'est pas là pour représenter la personne même d'Abraham, mais pour pointer les croyances des pharisiens, qui sont les destinataires premiers de cette parabole.
7 - La discussion entre Abraham et le riche (Luc 16.24-36).
a) La compréhension de la séparation.
- Luc 16.24-26 : Il s'écria: Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu'il trempe le bout de son doigt dans l'eau et me rafraîchisse la langue; car je souffre cruellement dans cette flamme. 25 Abraham répondit: Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et que Lazare a eu les maux pendant la sienne; maintenant il est ici consolé, et toi, tu souffres. 26 D'ailleurs, il y a entre nous et vous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d'ici vers vous, ou de là vers nous, ne puissent le faire.
Tout ce qui a été dit auparavant va se concrétiser maintenant. On peut également noter que le riche se trouve dans une flamme, mais contrairement à ce qu'imaginent beaucoup de croyants, il n'est dit nulle part dans la parole que la géhenne, communément appelée "enfer", contiendrait des flammes. Ca fait partie d'un imaginaire issu de notre difficulté à imaginer un feu sans flammes. Pourtant lorsque le livre de l'apocalypse nous parle d'un : ... étang ardent de feu et de soufre (Apocalypse 19.20b), nous sommes plus en présence d'une étendue de magma. La présence de cette affirmation atteste une fois de plus du caractère imaginaire de l'histoire que raconte Jésus. Enfin, toujours dans ces éléments qui sont des incohérences et qui attestent de ce que nous sommes en présence d'une parabole se trouve l'emploi du mot "abîme". Bien sûr, nous connaissons tous ce mot, pourtant sa traduction ici est hasardeuse. Elle nous renvoie à l'abîme tel qui nous est présenté dans le reste de la Parole de Dieu, et plus spécifiquement dans le livre de l'apocalypse. Il se trouve cependant que ça n'est pas le même mot et c'est une fois de plus un fait unique, tout comme d'avoir nommé un des protagonistes. Le mot employé ici est 'Chasma' et c'est la seule fois où il sera utilisé dans la Parole de Dieu. Sa traduction par 'abîme' égare le lecteur en lui faisant faire le lien avec, par exemple, les 7 fois où le mot 'abîme' sera employé dans le livre de l'apocalypse. Dans la Parabole du sein d'Abraham, ce terme ne fait que désigner un gouffre, une séparation entre deux endroits.
La demande du riche procède d'une inversion des situations. Durant sa vie, le pauvre mendiait, espérant un peu de pain, et maintenant, dans la mort, le riche mendie espérant un peu d'eau. Devant sa situation, sa première pensée est pour lui-même, et ça n'est qu'après avoir entendu que le séjour des morts et le sein d'Abraham ne sont pas accessibles l'un par l'autre, que le riche va penser à ses frères. On pourrait pousser plus loin la symbolique du pain qui représente le corps, et donc la richesse de ce monde, et l'eau vive qui représente l'esprit et donc la richesse du monde spirituel. Cependant il est préférable de ne pas rendre la chose plus touffue qu'elle ne l'est déjà.
b) La laideur du coeur.
- Luc 16.27-31 :Le riche dit: Je te prie donc, père Abraham, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père; car j'ai cinq frères. 28 C'est pour qu'il leur atteste ces choses, afin qu'ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments. 29 Abraham répondit: Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent. 30 Et il dit: Non, père Abraham, mais si quelqu'un des morts va vers eux, ils se repentiront. 31 Et Abraham lui dit: S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu'un des morts ressusciterait.
Rappelons-nous que Jésus parle aux pharisiens et qu'il leur a déjà signifié la laideur de leurs cœurs, ce qu'il va à nouveau faire ici.
On notera que le riche, dans les flammes, a compris que son sort est définitif. Bien que souffrant, il ne demande aucune seconde chance, et lorsqu'il pense enfin à la situation de ses 5 frères, il ne demande pas à revenir les prévenir. Bien que cela soit discutable, le chiffre 5 se rattache au temple et il est probable que par ce détail, Jésus pointe les pharisiens du doigt. Le père en question étant la compréhension du père Abraham que ces derniers ont. En d'autre termes, le riche demande à ce que les personnes qui partagent la façon de voir qui l'a amené là où il se trouve, puissent avoir une visite pouvant les convaincre de changer de voie. Etant donné que Jésus parle aux pharisiens, il est en train de leur dire que leur conception du père Abraham et leur rejet de Moïse et des prophètes va les conduire dans le même lieu que le riche dont il parle. Ce thème est souvent abordé dans les évangiles, et Jean nous le présente d'une manière claire qui est parfaitement en accord avec ce que Jésus est en train de leur dire :
- Jean 5.44-47 : Comment pouvez-vous croire, vous qui tirez votre gloire les uns des autres, et qui ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? 45 Ne pensez pas que moi je vous accuserai devant le Père; celui qui vous accuse, c'est Moïse, en qui vous avez mis votre espérance. 46 Car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, parce qu'il a écrit de moi. 47 Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles ?
C'est donc la réponse qu'Abraham va donner au riche. S'ils écoutent Moïse et les prophètes, alors ils éviteront ce lieu. La réponse du riche est étonnante de sincérité, il sait parfaitement que ni lui ni ses 5 frères n'en avaient que faire de Moïse et des prophètes. C'est pour cela qu'il réagit de suite à l'affirmation d'Abraham. Il est parfaitement conscient de la réalité dans laquelle il a vécu. Il sait que s'il faut compter sur l'observation de la Parole de Dieu, alors, tout comme lui, ses cinq frères sont condamnés. C'est alors qu'il tente le tout pour le tout. Il sait qu'il a vécu une vie basée sur les apparences, alors peut-être que si quelque chose de visible et d'indéniable survenait, quelque chose qui ne demande pas de foi mais uniquement une constatation, alors ses cinq frères reviendraient de leur mauvaise vie et éviteraient les flammes.
Abraham termine alors sur un terrible constat qui reprend ce que Jésus disait en préambule. Lorsque le coeur est mauvais, rien ne peut le convaincre. En introduction il parlait aux pharisiens, mettant en avant la laideur de leur coeur et l'abomination que cela représente aux yeux de Dieu. Ici, en conclusion, par la bouche d'Abraham, Jésus redit la même chose, en y ajoutant une annonce prophétique de sa propre résurrection : S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu'un des morts ressusciterait (Luc 16.31). Autre façon de dire que s'ils ne croient pas en la vérité, ils ne seront pas en mesure de la reconnaître lorsqu'ils la croiseront.
8 - Conclusion.
L'introduction de cette parabole faisait le lien avec l'histoire vraie de Lazare, l'ami de Jésus. La conclusion est à nouveau un parallèle. Jésus annonce que sa propre résurrection ne convaincrait pas ceux dont le coeur est endurci, tout comme la résurrection de Lazare n'avait pas pu le faire. Il y a un détail dont on ne se rappelle pas forcément concernant la résurrection de Lazare, c'est que si certains ont cru, bien qu'assistant au miracle, certains des témoins ont préféré se liguer contre ce qu'ils venaient de voir et ont choisi d'aller le dénoncer aux pharisiens (Jean 11.45-46 : Plusieurs des Juifs qui étaient venus vers Marie, et qui virent ce que fit Jésus, crurent en lui. Mais quelques-uns d'entre eux allèrent trouver les pharisiens, et leur dirent ce que Jésus avait fait). Ce qui fera naître la volonté de tuer Jésus (Jean 11.53 : Dès ce jour, ils résolurent de le faire mourir), et la volonté de tuer Lazare (Jean 12.10 : Les principaux sacrificateurs délibérèrent de faire mourir aussi Lazare).
De la même manière que la résurrection de Lazare annonçait celle de Jésus, ici, la résurrection dont on parle est celle de Jésus, qui annonce donc le salut des nations. Annonce est donc faite que ceux qui refusent d'écouter la loi et les prophètes ne se laisseront pas convaincre par la résurrection de Jésus. Parce que Jésus est la Parole de Dieu et celui qui refuse d'écouter la Parole de Dieu refuse d'écouter Jésus et par voie de conséquence, ne sera pas en mesure de reconnaître sa voix.
Dans cette parabole, Jésus remet évidemment en place ses interlocuteurs, les pharisiens, leur annonçant leur condamnation, mais s'il leur parle directement pendant cette scène, le message en lui-même est destiné à tous. Cela nous parle de la disposition du coeur et de l'endurcissement qui rend aveugle à la vérité.
Versets en rab
- Actes 8.35 : Alors Philippe, ouvrant la bouche et commençant par ce passage, lui annonça la bonne nouvelle de Jésus.
- Matthieu 8.11 : Or, je vous déclare que plusieurs viendront de l'orient et de l'occident, et seront à table avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux.
- 1 Pierre 3.18-19 : Christ aussi a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais ayant été rendu vivant quant à l'Esprit, 3.19 dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison,
- 1 Samuel 28.8-15 : Alors Saül se déguisa et prit d'autres vêtements, et il partit avec deux hommes. Ils arrivèrent de nuit chez la femme. Saül lui dit: Prédis-moi l'avenir en évoquant un mort, et fais-moi monter celui que je te dirai. 28.9 La femme lui répondit: Voici, tu sais ce que Saül a fait, comment il a retranché du pays ceux qui évoquent les morts et ceux qui prédisent l'avenir; pourquoi donc tends-tu un piège à ma vie pour me faire mourir? 28.10 Saül lui jura par l'Éternel, en disant: L'Éternel est vivant! il ne t'arrivera point de mal pour cela. 28.11 La femme dit: Qui veux-tu que je te fasse monter? Et il répondit: Fais moi monter Samuel. 28.12 Lorsque la femme vit Samuel, elle poussa un grand cri, et elle dit à Saül: Pourquoi m'as-tu trompée? Tu es Saül ! 28.13 Le roi lui dit: Ne crains rien; mais que vois-tu? La femme dit à Saül: je vois un dieu qui monte de la terre. 28.14 Il lui dit: Quelle figure a-t-il? Et elle répondit: C'est un vieillard qui monte et il est enveloppé d'un manteau. Saül comprit que c'était Samuel, et il s'inclina le visage contre terre et se prosterna. 28.15 Samuel dit à Saül: Pourquoi m'as-tu troublé, en me faisant monter? Saül répondit: Je suis dans une grande détresse: les Philistins me font la guerre, et Dieu s'est retiré de moi; il ne m'a répondu ni par les prophètes ni par des songes. Et je t'ai appelé pour que tu me fasses connaître ce que je dois faire.
- Actes 15.10-11 : Maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n'avons pu porter ? 15.11 Mais c'est par la grâce du Seigneur Jésus que nous croyons être sauvés, de la même manière qu'eux.